n a trop souvent tendance à considérer les rapports ethniques comme mettant en jeu une majorité dominante exerçant son pouvoir sur un ensemble de minorités. Or, en Amérique du Nord comme en Europe, on trouve plusieurs cas de figure éloignés de ce modèle. Parfois, plusieurs groupes partagent un pouvoir sensiblement équivalent de contrôler l’État et d’imposer une définition de la nation. C’est le cas des néerlandophones et des francophones en Belgique, ou des catholiques et des protestants en Irlande du Nord. Il arrive aussi, comme au Québec et en Catalogne, que des majorités clairement identifiables connaissent une « ambiguïté de dominance » liée à leur statut minoritaire à l’échelle nationale. Ces situations sont à la fois fascinantes à observer et éclairantes pour comprendre le rôle de l’éducation dans le maintien ou la transformation des frontières ethniques et des identités. Marie Mc Andrew en fait une démonstration remarquable dans ce livre où elle se penche sur divers enjeux, parfois controversés, tels la scolarisation commune, l’enseignement de l’histoire, l’intégration linguistique des immigrants, ou encore la prise en compte de la diversité à l’école. Elle s’appuie sur dix ans de travaux comparatifs réalisés dans le cadre du Réseau sur l’éducation dans les sociétés divisées, d’où est issu le concept de majorité fragile.
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Extrait
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Marie Mc Andrew
LES MAJORITÉS
fragiles ET L’ÉDUCATION
Belgique•Catalogne•IrlandeduNord•Québec
Les Presses de l’Université de Montréal
Marie Mc Andrew
LES MAJORITÉS FRAGILES ET L’ÉDUCATION
BELGIQUE • CATALOGNE • IRLANDE DU NORD • QUÉBEC
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Mc Andrew, Marie, 1953- Les majorités fragiles et l’éducation : Belgique, Catalogne, ïrlande du ord, Quéec Comprend des réf. iliogr. ISbN 978-2-7606-2084-1 1. Pluralisme. 2. Éducation interculturelle. 3. Histoire - Étude et enseignement - Aspect social.4. ïmmigrants - ïntégration. 5. Éducation comparée. ï. Titre. h1271.32 2010 305.8 Ç2010-940252-9
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide înancière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADïÉ) pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien înancier le Conseil des Arts du Canada et la Śociété de développement des entreprises culturelles du Quéec (ŚODEC).
imprimé au canada en février 2010
REMERCIEMENTS
Nous tenons À remercier les organismes suivants dont le soutien a permis la réalisation de cet ouvrage: le Conseil de recerce en sciences umaines du Canada (CRSH), le Fonds de dotation de la Caire en relations etni-ques de l’Université de Montréal, le Fonds quéécois de recerce sur la société et la culture (FQRSC) ainsi que le ministère des Relations inter-nationales du Quéec. L’apport de divers collègues et collaorateurs mérite également d’tre souligné. Les professeurs Joan Leman (Université Catolique de Leuven), Xavier Vila (Université de Barcelone), Jordi Garetta (Université de Lleida) et Alan Smit (Université de Coleraine) nous ont accueillie dans leur milieu respectif et ont commenté diverses sections de l’ouvrage. Madame Alice Martin (M.Ed., Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal) a collaoré étroitement À la recerce de la documentationainsiqu’Àlaînalisationdelailiograpie.Elleavaitétéprécédé, dans cette tâce, par madame Émilie Boileau, alors étudiante À la M.A. À cette mme Faculté. Enîn, mesdames Marie-Claire Légaré et Louise Simard ont respecti-vement eectué une première révision linguistique du manuscrit et assuré le traitement de texte des diverses versions du manuscrit. Nous avons aussi énéîcié de l’aide de nomreux décideurs, cerceurs et intervenants des diverses sociétés À l’étude, notamment la Direction des Services aux communautés culturelles du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Quéec, dont la collaoration a été appréciée.
Introduction
TABLE DES MATIÈRES
P R E M I È R E P A R T I E la diversité profonde : le rapport à l’autre majoritaire
1. Contrôler ses propres institutions : repli identitaire ou gage d’harmonie ?
Le Québec La Belgique L’Irlande du Nord La Catalogne Pertinence et limites des différents modèles de scolarisation
2. La traversée des frontières scolaires et le rapprochement : pourquoi ? à quelles conditions ? La théorie des contacts L’intégration scolaire non planifiée par les autorités L’éducation intégrée Les activités ponctuelles visant le rapprochement intercommunautaire Les expériences vécues et leur impact
9
21 23 33 41 50 56
61 63 66 74
81 83
3. L’enseignement de l’histoire : peut-on concilier mémoires, savoirs et compétences citoyennes ? L’Irlande du Nord La Belgique Le Québec La Catalogne
Les leçons de l’analyse comparative
D E U X I È M E P A R T I E la diversité issue de l’immigration : le rapport à l’autre minoritaire
4. L’intégration linguistique et l’égalité des chances : complémentarité ou tension ? Le Québec La Catalogne La Flandre Le bilan : éléments communs et spécificités
5. L’adaptation à la diversité : un décalage « normal » entre modèles normatifs, pratiques et débat public ? Le Québec La Catalogne La Flandre Les dynamiques et les tensions dans une perspective comparative
Conclusion Références
95 99 108 113 124 132
137 140 154 167 180
185 188 207 220
238
243 249
INTRODUCTION
Les majorités fragiles, le pluralisme et l’éducation
Le camp des relations etniques, ainsi que l’étude de ses rapports avec l’éducation, ont connu des développements très intéressants ces 30 der-nières années. Dans le premier cas, on a critiqué la réiîcation des cultures et des groupes etniques et insisté sur l’importance de développer une vision complexe du caractère dynamique et de la multiplicité des identités. Dans le second, on a quelque peu délaissé, peut-tre indûment, la pers-pective traditionnelle qui aordait l’éducation comme un outil de main-tien des cultures et des identités minoritaires pour s’intéresser davantage À son rôle dans la transformation des rapports et des frontières entre les groupes. Le degré où une socialisation partagée, plus ou moins redéînie dans un sens pluraliste, est menée au sein d’institutions communes, ainsi que l’atteinte de l’égalité des cances pour les élèves de toutes origines, 1 sont ainsi devenus les enjeux les plus souvent déattus et explorés . La très grande majorité des analyses menées À cet égard reposent sur un modèle dualiste, implicite ou explicite. On y assume l’existence d’une majorité clairement dominante qui exercerait un pouvoir largement congruent, sur les plans démograpique, économique, linguistique et socioculturel, sur un ensemle de minorités de statut inférieur. Cette tendance est inuencée par deux réalités : d’une part, la présence massive, dans le camp, de cerceurs américains et, dans une moindre mesure, canadiens-anglais et, d’autre part, l’évolution notale des intérts, depuis e le déut du siècle, de l’étude des minorités nationales vers celle des 2 groupes immigrants .
1. Bart (1969) ; Juteau (1996) ; Mc Andrew (2003a). 2. Scermerorn (1970) ; Juteau (2000a).
1 0wle s e t l’éd u cati onma j or i té s fr ag i le s
Cependant, de telles situations, qu’en jargon sociologique on caractérise comme relevant d’unedominance ethnique claire, sont peu fréquentes sur le plan mondial. En eet, dans ien des sociétés, l’identiîcation d’un groupe majoritaire unique est une tâce presque impossile ou, du moins, la position du groupe qui pourrait prétendre À ce statut est suïsamment amiguë pour soulever des dilemmes conceptuels. En Europe et en Amérique du Nord, cette réalité se présente À travers 3 divers cas de îgure . Parfois, plusieurs groupes, dont l’identité et le projet politique divergent, partagent un pouvoir sensilement équivalent qui leur donne une capacité aussi grande ou aussi limitée de contrôler l’État et d’imposer leur déînition de la nation. C’est le cas, par exemple, des Flamands et des Wallons en Belgique ou des catoliques et des protestants en Irlande du Nord. La territorialisation a permis, dans le premier cas, une coexistence relativement armonieuse, que la coaitation dans un espace réduit n’a pas favorisée, dans le second. á l’inverse, d’autres pays comme le Canada ou l’Espagne, où existe une communauté majoritaire clairement identiîale, connaissent une amiguté de dominance etnique dans les régions où c’est un autre groupe qui constitue la majorité démo-grapique. En eet, les francopones au Quéec et les catalanopones en Catalogne jouissent d’importants pouvoirs politiques et éducatifs qui leur permettent d’inuencer signiîcativement non seulement leur développe-ment propre, mais également celui des autres communautés résidant dans leur province ou État. Dans de tels contextes, l’utilisation de concepts commemajoritéou minorité, dont on peut diïcilement se passer, doit toujours tre nuancée et accompagnée de mises en garde. Pour des raisons qui tiennent À la fois de la dynamique actuelle des rapports etniques, mais aussi de l’éritage d’inégalité entre les groupes, les majorités, qu’on peut caractériser comme fragiles, y jouissent d’un pouvoir plus partagé et moins congruent dans divers camps sociaux. Quant À diverses minorités, notamment celles qui sont constituées de personnes appartenant au groupe majoritaire sur le plan national, elles y connaissent souvent un statut inconnu dans les sociétés À dominance etnique claire. Quelles sont les conséquences de cette amiguté sur les politiques, programmes et déats éducatifs ? á première vue, ce qui frappe dans les