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Description
Sujets
Informations
Publié par | Odile Jacob |
Date de parution | 21 mars 2018 |
Nombre de lectures | 7 |
EAN13 | 9782738143327 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
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© O DILE J ACOB , MARS 2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4332-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Félix Lanzmann, à sa force et à son courage face à la douleur, décédé d’un cancer à l’âge de 23 ans ; À Dominique et Claude Lanzmann, ses parents. À Cécile Martin qui, parce qu’elle aimait la vie, la musique, est décédée au Bataclan, le 13 novembre 2015 ; À Stefan, l’homme de sa vie ; À Adèle, sa fille. À Cannelle, Mathis et Tao Pelissolo, ma fille de cœur et mes fils d’amour. Que ce livre vous permette, si vous croisez la douleur sur votre chemin de vie, de savoir l’accueillir avec compassion afin de ne jamais y croiser la souffrance ! À Nina, Alexandra, Aurore, Nicolas, Julie, Samuel, Radia, Natacha, Caroline, Stefan, Ludovic, Hugo et à toutes les victimes des attentats ces dernières années.
Mes yeux dans les tiens tu sais j’y pense encore…
Tourne, tourne la mort autour de moi
Les visages de ceux qui n’se relèveront pas
Ces passants d’un soir qui crevèrent le décor
Mes yeux dans les tiens tu sais j’y pense encore
Sur le fil de la vie j’avance à reculons
Un besoin d’amnésie, pourquoi ça tourne pas rond
Des hommages à outrance pour ceux qui sont tombés
Comme une insulte rance que l’on veut effacer
J’étais seule ce soir-là dans cette foule sombre
Cette table sur moi, en marche vers ma tombe
Mais ils ne m’auront pas, dis-moi est-ce qu’ils m’ont eue
Toi qui n’étais pas là, pourquoi me regardes-tu ?
« Couchez-vous » entrecoupé d’horreur
La vie m’a faite tomber au sol
Et le front sous la chaise, pas le temps d’avoir peur
Que la faucheuse se taise quand les balles s’affolent
On se serre, on se terre,
Dans ce silence qui gueule
Cette chair qui m’est chère
Se noie dans son linceul
Et la vitre qui éclate en sanglots
Le verre à moitié plein qui s’vide sans un mot
Mais qu’ils finissent vite ! Demain j’dois m’lever tôt
Est-ce qu’ils tirent encore, ou est-ce que c’est l’écho ?
« Levez-vous, ils sont partis » – comme sa voix se brise
Mais l’instinct de survie, qui m’a couchée au sol,
A froissé ma chemise, a froissé mon envol
Je lève les yeux au mur, nous sommes six debout
Doucement le murmure du sang nous met à g’noux
Ton t-shirt dev’nu rouge, ils te prennent par la main
Tu répétais sans cesse, ce n’est rien ce n’est rien
Et je suis restée là, le nez dans le brouillard
« C’était quoi, c’était quoi », même toi t’étais hagard
Quand j’ai levé les yeux, quand j’ai ouvert la porte
De ce bar merveilleux, où ma jeunesse est morte
J’ai croisé un regard, un visage troué
Une femme sur le départ qui m’a longtemps fixée
De sa tête penchée j’voyais couler la vie
Les yeux exorbités, « sauve-moi je t’en prie »
Moi je ne savais pas qu’la mort c’était si sale
Moi je ne savais pas qu’la mort ça f’sait si mal
J’me souviens d’ce type-là, qui t’nait encore sa bière
Écroulé sur la table, il t’nait encore sa bière
Et puis la fille là-bas, allongée sur l’goudron
Là où je me tenais, une minute environ
Avant ce long coma vécu en noir et blanc
Est-ce que cette fille c’est moi, ça siffle dans mes tympans
Son téléphone sonne, est-ce que j’devrais répondre
Désolée y’a personne, je reviens, je m’effondre
Les autres sortent enfin, passent le pas d’la porte
Leur désespoir déteint sur ma figure amorphe
Les cris déchirent la ville, Paris j’te croyais forte
Ce soir tu t’es éteinte, dis-moi qu’tu n’es pas morte
Coincée parmi les corps, ces vies sur le départ
Moi je veux pas bouger, je voudrais juste m’asseoir
Chanter pour qu’ils reviennent, panser les plaies de larmes
Dans le choc de ma haine je voudrais prendre les armes
J’me rappelle de ta main qui m’a dit on s’en va
Je t’ai dit je veux pas, va-t’en je reste là
Alors tu m’as poussée, m’as dit « ils vont rev’nir »
J’me suis vue trébucher avec rien pour m’ret’nir
Sa jambe était si chaude, ma chaussure si froide
Que le rideau s’écroule, efface cette mascarade
Il ne respirait plus, tu m’as poussée encore
« Il faut partir maint’nant » et t’as poussé plus fort
J’ai oublié comment, j’ai oublié pourquoi
Nos jambes nous ont portés quelques mètres plus bas
Les marches quatre à quatre, « Maman, moi ça va
– les autres sont tous morts, mais je respire encore »
Et ces heures dans le noir, assis contre le mur
À écouter la ville éventrée qui murmure
Aux portes effrayées ses sinistres blessures
Les fenêtres fermées, les chaussures enlevées
Pour ne pas faire de bruit, disparaître dans la nuit
Et tous se demandent si la mort nous a suivis
Pendus au bout du fil, « n’appelle plus je t’en prie »
Quand on descend enfin rejoindre le trottoir
On entend « qu’avez-vous vu, si rien, rentrez – bonsoir »
Mais monsieur moi j’ai tout vu, j’ai bu la mort ce soir
« Rentrer » ? Oui – « rentrer », où ?
« Messieurs dames, rentrez chez vous »
Mais monsieur moi je n’sais plus où j’habite
Mon gardien de cauchemars je le sens qui s’agite
La voiture disparaît je crois qu’je suis dedans
Trop vite est v’nu l’après, j’me préférais avant
Les secondes s’écoulent et deviennent des mois
Et moi quand je m’écroule on me montre du doigt
« La vie reprend ses droits, remercie d’être là »
Tu es qui toi déjà, t’es qui pour me dire ça ?
Oui toi t’étais pas là, mais t’en fais pas je sais
Qu’t’as versé quelques larmes entre deux cigarettes
Indigné en terrasse, chaque soir tu trinquais
Mais t’es vite dev’nu las, la mort ça sent mauvais
Moi j’vais plus en terrasse, j’vais plus nulle part en fait
Mon chagrin plein de crasse n’est pas fait pour la fête
Les amis qui s’écartent tandis que je m’éloigne
Les médecins qui répètent qu’la colère ça se soigne
J’devrais pas leur en vouloir d’pas avoir été là
Moi-même j’étais ailleurs quand j’ai fermé les yeux
J’devrais pas m’en vouloir d’être toujours là
Mais j’y peux rien tu sais, l’désespoir ça rend vieux
Dites-leur d’arrêter
D’nous dire « ça ira »
« L’travail c’est la santé »
Et « Qui vivra verra »
Dites-leur d’arrêter
D’nous montrer le chemin
D’parler toute la journée
Et d’finir par « de rien »
Tourne tourne la mort autour de moi
Les visages de ceux qui n’se relèveront pas
Ces passants d’un soir qui crevèrent le décor
Et tes yeux dans les miens tu sais j’y pense encore 1 .
Avant-propos
Aujourd’hui, de nombreux livres sont publiés sur la méditation en pleine conscience, aussi bien pour le grand public que pour les professionnels. Celui-ci parle effectivement de la pleine conscience, mais en tant qu’outil qui facilite le processus thérapeutique. Mais il parle aussi de douleur et de souffrance.
Je fais une différence, qui me paraît fondamentale, entre douleur et souffrance. La douleur ne peut pas être évitée, car elle est inhérente à notre condition d’être humain doué d’une sensibilité physique et émotionnelle : avoir mal quand nous nous brûlons, avoir mal lorsque nous sommes en conflit avec un être cher est normal. Par contre, nous pouvons éviter la souffrance, car elle dépend directement de notre manière d’être en relation avec notre douleur.
Depuis presque vingt ans, j’exerce le métier de psychologue clinicienne et de psychothérapeute et je m’interroge sur les mécanismes qui déclenchent et maintiennent l’être humain dans sa souffrance. J’ai longtemps hésité à écrire ce livre. Des événements récents, les attentats de 2015 à Paris, m’y ont poussée. Après le 13 novembre, j’ai reçu de nombreuses victimes. Elles étaient en état de choc, sidérées, ne comprenant pas encore ce qui leur était arrivé. Tout cela semblait si irréel. C’était la première fois que, en tant que psychologue, j’étais confrontée à des patients revenant d’un terrain de guerre dans un tel état de stress post-trauma tique. Je ressentais leur douleur au plus profond de moi-même et m’interrogeais sur la manière dont j’allais pouvoir les aider.
Tous les jours, je rencontre des personnes qui passent à côté de leur vie, car elles sont complètement submergées par leur souffrance. Au départ de cette souffrance, il y a la douleur et cette douleur, qu’elle soit physique ou psychique, n’est pas acceptée, alors que c’est une réalité inéluctable.
Peut-être serez-vous surpris que je mette au même plan les douleurs psychiques et physiques. C’est qu’il n’y a pas à comparer les douleurs ; elles ont toutes leur spécificité ; en revanche, il y a des points communs incontestables dans la manière de les vivre. En effet, qu’elle soit physique ou psychique, la souffrance sera toujours d’autant plus grande que la personne n’accepte pas la réalité de sa douleur et il sera difficile alors pour elle de ne pas s’identifier à cette douleur et de poursuivre sa vie en nourrissant tout ce qui est bon par ailleurs.
À partir de quand passons-nous d’une expérience de vie douloureuse à une souffrance envahissante ? Quels sont les mécanismes qui font émerger, puis maintiennent c