Dans ce roman au titre métaphorique, Le père du lion était un chien, ce sont les modes de représentation de la violence politique qui sont mis en œuvre à travers une fiction inspirée de l’instabilité chronique à laquelle l’Afrique est confrontée depuis quelques décennies. La mise en scène tragico-comique des troubles qui agitent les milieux politiques africains alimente véritablement une réflexion dont les enjeux dépassent la littérature à proprement parler. Aussi, convient-il de se demander si les dysfonctionnements et les dérèglements du système politique en place sont encore surmontables dans une société atteinte dans son être profond. Ce qui est en question dans cette fiction pleine de rebondissements, c’est un rapport ambigu non seulement au pouvoir mais aussi à la religion et aux va- leurs éthiques. Certains dirigeants africains y renvoient une image qui ne fait honneur ni à leurs rangs ni aux fonctions qu’ils exercent dans la plus totale opacité, se laissant parfois prendre à leur propre piège. D’où cette inquiétude du narrateur : « Le siège présidentiel n’aurait-il pas une fonction amnésique ou déshumanisante ? Sinon, comment comprendre que l’homme le plus honnête, le plus sympathique, le plus généreux, le plus intelli- gent, le plus rationnel, le plus croyant, une fois sur le palier supérieur du pouvoir, devienne une brute malfaisante ? » Tel est le dilemme qui parcourt le récit de bout en bout.
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Extrait
LE PÈRE DU LION ÉTAIT UN CHIEN OU LES OMBRES DU POUVOIR
MINGA S. SIDDICK
LE PÈRE DU LION ÉTAIT UN CHIEN OU LES OMBRES DU POUVOIR
Roman
Préface
Pr. Mamadou Bani DIALLO
Acevé d'imprimer en août 2023 au Mali sur les presses d'IMPRIM-Services sa.
À toi, Monsia, mon père, Toi qui m’as révélé la force du silence, Et à tous ceux qui, Militaires visionnaires, Simples citoyens patriotes, Panafricanistes sincères et intelligents, Luttent inlassablement au quotidien, Pour l'avènement d'une nouvelle Afrique, Décomplexée, souveraine, Unie et prospère.
Le dernier roman de Minga S. Siddick sort d’une plume bien exercée. Romancier, dramaturge et journaliste, l’auteur a su engranger dans son œuvre une rice expérience acquise sur les cantiers de la création littéraire par un constant travail d’appro-priation et de novation. Il aborde ici un tème dont la portée et les enjeux vont au-de-là de la littérature à proprement parler. En effet, la question des coups d’États militaires et civils, ainsi que celle de la violence so-ciopolitique s’inscrivent dans un contexte de désillusion et de dé-sencantement consécutifs aux troubles des premières années de l’indépendance, face à l’écec des dirigeants politiques, à l’effon-drement des institutions et aux dysfonctionnements structurels. D’une manière générale, à quelques nuances ou différences près, cette période critique de l’istoire des nations subsaariennes nouvellement indépendantes contraste fortement avec l’entou-siasme, l’euporie et la ferveur des premières eures ou premiers mois de l’indépendance. La responsabilité des dirigeants placés à la tête des nouveaux États indépendants est grande dans les dé-rives et errements qui, bien avant la fin de la première décennie, sonneront le glas de la bonne gouvernance et du politiquement
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correct tant prônés dans les discours laudateurs et trompeurs. Certains romanciers s’en feront l’éco plus ou moins réfracté, sur le mode de la fiction. Minga S. Siddick s’inscrit dans cette veine à travers son roman au titre métaporique : «Le père du lion était un chien». Quand on se pence sur ces fictions romanesques, ce qui frappe c’est la focalisation sur le prototype du dictateur bouf-fon qui décrédibilise la cose politique par ses comportements cyniques et grotesques dont la naïveté le dispute à la bêtise : soit qu’il se prenne trop au sérieux, soit qu’il se méprenne sur la capa-cité de discernement des gouvernés qui sont réduits à subir la loi du plus fort. Dans le roman précité, en l’occurrence, le narrateur se plaît à dénouer les ficelles de la farce politique où les bourreaux jouent aux sauveurs voire aux propètes de circonstances, avant que la macine politique ne soit elle-même complètement blo-quée par le cycle infernal des coups d’États. L’intérêt de l’œuvre réside précisément dans la persistance d’une série de questionne-ments : le processus de renouveau politique qui est lancé, dans le cadre des seules élections démocratiques organisées dans le pays, a-t-il quelque cance de réussir ? La classe politique n’est-elle pas disqualifiée dans son ensemble ? L’avènement de dirigeants in-tègres et respectueux des règles démocratiques n’est-il pas ypo-tétique ? Y répondre ici et maintenant reviendrait à se substituer au lecteur dont les prérogatives relèvent d’une impérieuse nécessi-té. Vers la fin des années 1960, l’évolution de la critique littéraire n’a-t-elle pas permis de restituer à celui-là une place prépondé-rante dans la réception de l’œuvre littéraire ! Par ailleurs, les pro-grès et les acquis de la pragmatique littéraire ne paraissent-ils pas révélateurs de l’importance grandissante accordée aux usagers du texte littéraire ? La fabrique du sens d’un roman ne saurait faire l’économie de la rencontre entre deux sensibilités, deux visions croisées, celles du romancier et celles du lecteur.