Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a requis le 30 juillet 2008 une mission de réflexion et de propositions quant à l'organisation et au fonctionnement de la supervision des activités financières en France, avec comme objectifs l'efficacité et la compétitivité du système de supervision et de contrôle, son insertion dans l'organisation européenne et son adéquation aux impératifs de stabilité financière ainsi qu'aux évolutions réglementaires et de marché. L'analyse des différents thèmes soumis à sa réflexion a notamment conduit la mission à formuler 29 propositions d'amélioration qui pourraient être mises en oeuvre sans apporter de bouleversement à l'architecture du dispositif actuel de supervision. Ces améliorations portent sur l'introduction de la convergence européenne dans les objectifs des autorités de supervision, le développement de l'approche « macro-prudentielle », le renforcement du rôle des Collèges, la distinction entre collèges de supervision et commissions de sanction, le rapprochement des autorités d'agrément et des autorités de contrôle, l'association des professionnels à la supervision et l'étendue du contrôle prudentiel des mutuelles du code de la mutualité.
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Langue
Français
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Extrait
Inspection générale des FinancesN°2008-M-069-02RAPPORT DE LA MISSION DE REFLEXION ET DE PROPOSITIONS SUR LORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA SUPERVISION DES ACTIVITES FINANCIERES EN FRANCE Établi par Bruno DELETRÉ Inspecteur des Finances - JANVIER 2009 -
RÉSUMÉ et CONCLUSIONS Le Ministre de lEconomie, de lIndustrie et de lemploi a requis le 30 juillet 2008 une mission de réflexion et de propositions quant à lorganisation et au fonctionnement de la supervision des activités financières en France, avec comme objectifs lefficacité et la compétitivité de notre système de supervision et de contrôle, son insertion dans lorganisation européenne et son adéquation aux impératifs de stabilité financière ainsi quaux évolutions réglementaires et de marché. Menée au cours des quatre derniers mois de lannée 2008, en pleine crise financière, la mission na pas procédé à une évaluation de notre dispositif de supervision. Tel nétait pas son objet. Se concentrant sur le mandat précis qui lui avait été donné, elle na pas non plus cherché à examiner les évolutions souhaitables en matière de champ couvert par la régulation financière, de contenu de cette dernière ou de supervision européenne. De nombreuses questions fondamentales sont également posées dans ces domaines, mais elles nentraient pas dans le mandat confié à la mission. Les multiples auditions menées en France, au sein du dispositif de supervision et auprès des professionnels concernés, ainsi que des déplacements effectués dans cinq pays étrangers ont nourri la réflexion de la mission. Elles lui permettent de formuler des propositions opérationnelles damélioration de notre dispositif de supervision des activités financières. La plupart de nos partenaires étrangers réfléchissent actuellement aux mêmes questions, à la faveur des enseignements qui peuvent être tirés de la crise aigüe que traversent léconomie mondiale et leur propre secteur financier. Parmi les quatre principaux types de modèles darchitecture des systèmes de supervision que lon peut observer dans le monde, le dispositif français se rattache aujourdhui clairement au modèle « sectoriel ». En effet, les autorités de supervision sont en charge de la supervision de différents secteurs : la banque, lassurance (entendue au sens large cest-à-dire incluant les institutions de prévoyance et les mutuelles régies par le code de la mutualité), les services dinvestissement et marchés financiers. Dans chacun de ces secteurs, le superviseur poursuit deux objectifs majeurs : le contrôle prudentiel dune part, le contrôle du respect des obligations professionnelles à légard de la clientèle dautre part. Deux éléments principaux distinguent le système français des autres systèmes sectoriels. Chaque autorité est organisée sous forme duale, avec un Collège délibérant et des services qui instruisent les dossiers et préparent les décisions soumises au Collège. Par ailleurs, pour les secteurs de la banque et de lassurance, ce sont deux autorités distinctes qui accordent lagrément aux entreprises dune part et qui exercent la supervision sur les entreprises agréées dautre part. La lettre du Ministre soulignait les atouts apparents que constituaient ladossement du superviseur bancaire à la Banque Centrale et la distinction opérée entre contrôle prudentiel et supervision des marchés financiers. La mission sest attachée à examiner ces deux points en détail. Elle parvient à la même conclusion et constate que ceci fait lobjet dun consensus large dans notre pays aujourdhui. Certains pays disposant dorganisations différentes à cet égard ont été confrontés à des difficultés dans la crise récente qui pourraient les amener à faire évoluer leur système. Lanalyse des différents thèmes soumis à sa réflexion a conduit la mission à formuler 29 propositions damélioration qui pourraient être mises en uvre sans apporter de bouleversement à larchitecture de notre dispositif de supervision.
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Ces propositions portent sur lintroduction de la convergence européenne dans les objectifs des autorités de supervision, le développement de lapproche « macro-prudentielle », le renforcement du rôle des Collèges, la distinction entre Collèges de supervision et Commissions de sanction, le rapprochement des autorités dagrément et des autorités de contrôle, lassociation des professionnels à la supervision et létendue du contrôle prudentiel des mutuelles du code de la Mutualité. La simplification et la réforme des structures ont bien sûr leur importance, mais cest avant tout lamélioration de la qualité de la supervision qui doit être lobjectif recherché. La crise montre que si la modestie doit être de mise dans ce domaine également, des progrès peuvent être réalisés. En réduisant le nombre dautorités de supervision de 5 à 3 par fusion des autorités dagrément et des autorités de contrôle, la mise en uvre de ces propositions permettrait de simplifier larchitecture de supervision et daméliorer son fonctionnement. Le rapprochement éventuel du contrôle des banques et du contrôle des assurances constituait un thème danalyse central susceptible pour sa part de modifier plus profondément larchitecture de notre système de supervision des activités financières. La mission a procédé à un recensement précis des arguments plaidant en faveur dun tel rapprochement, de ceux qui sy opposent et des risques dexécution attachés à la réalisation dune éventuelle fusion. Les métiers de la Banque et de lAssurance sont largement distincts et le demeureront. Les risques quils portent sont la plupart du temps de nature différente et les méthodes de supervision employées doivent et devront continuer de tenir compte de cette réalité. Il existe toutefois aux yeux de la mission un faisceau convaincant darguments qui plaident aujourdhui en faveur dun rapprochement entre contrôle bancaire et contrôle dassurance. Les principaux risques attachés à une telle réforme peuvent être prévenus par une mise en uvre adaptée. La mission recommande donc le rapprochement du contrôle des banques et des assurances au sein dune même autorité, adossée à la Banque de France, disposant dun secrétariat général regroupé (propositions n°s 30 à 33). Le rapport souligne les précautions à prendre dans lexécution dune telle réforme pour éviter que la culture de lassurance ne sen trouve occultée. Il ne sagit pas tant de favoriser lacceptation de la réforme par le corps social et professionnel de lassurance, de la mutualité et de la prévoyance, que déviter une perte de pertinence du système de contrôle dans ce secteur, qui pourrait rapidement devenir dangereuse pour notre industrie financière et pour notre économie. La réflexion a poussé enfin la mission à sinterroger sur les risques attachés, dans ce contexte, au maintien dune architecture sectorielle de notre système de supervision. Ils proviennent des possibilités darbitrage réglementaire que ce système génère sagissant des dispositions relatives à la protection du consommateur de services financiers et aux obligations professionnelles à légard de la clientèle. Ils sont aussi la conséquence dune appétence traditionnellement faible des Banques Centrales à légard du contrôle dans ces domaines, qui passe très souvent au second plan par rapport au contrôle prudentiel. Les propositions n° 34 à 37 visent donc à pousser la réforme un cran plus loin en orientant le système français vers une architecture de supervision par objectifs.
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Deux superviseurs des activités financières, à vocation intersectorielle (Banque, Assurance, Services dinvestissement), poursuivraient concurremment ces objectifs distincts, de façon étroitement coordonnée. LAutorité de Contrôle Prudentiel, adossée à la Banque de France et fruit du rapprochement évoqué plus haut aurait pour mission de veiller à la solidité et à la solvabilité des institutions financières dans tous les secteurs. LAutorité des Marchés Financiers exercerait, au-delà de ses compétences actuelles en matière de surveillance des marchés financiers et de protection de lépargne, le contrôle du respect des obligations professionnelles à légard de la clientèle des services financiers et, ceci, pour lensemble du secteur financier. Cette réforme dampleur devrait permettre de renforcer à terme lefficacité de notre dispositif de protection du consommateur de services financiers. En distinguant clairement son contrôle du contrôle prudentiel, elle devrait également faciliter les évolutions ultérieures, appelées de leur vu par de nombreux responsables du monde financier, vers une certaine forme de contrôle européen en matière prudentielle pour les grands groupes financiers actifs dans plusieurs Etats membres de lUnion Européenne. La crise financière qui a débuté à lété 2007 est sans doute loin dêtre terminée. Mener une réforme de cette importance dans un contexte qui sollicite fortement le dispositif de supervision peut paraître risqué. On observe toutefois lexistence de nombreuses réflexions et projets à létranger sur ces mêmes questions. Une orientation claire de notre dispositif dans le sens des propositions du présent rapport pourrait, si elle saccompagnait dun travail de concertation avec nos principaux partenaires européens, favoriser lémergence dun modèle qui pourrait probablement susciter une adhésion assez large. Le Gouvernement a été habilité par le Parlement à légiférer par ordonnances dici la fin de lannée 2009 dans ce domaine. Cest également un élément à prendre en compte dans les choix à opérer. Comme toute réforme de structure impliquant des équipes de grande valeur, qui ont montré tout au long de la crise une disponibilité et une compétence qui doivent être relevées, une mise en uvre rapide et déterminée est probablement une des meilleures garanties de succès.
SOMMAIRE
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SOMMAIRE
INTRODUCTION I. PREMIÈREPARTIE: LES OBJECTIFS DE LA SUPERVISION FINANCIÈRE ET LES PRINCIPAUX MODÈLES EXISTANTSI.1. Les origines, le champ et les principaux objectifs de la supervision des activités financières I.2. Les principaux modèles existants
II. DEUXIÈMEPARTIE: UNE ARCHITECTURE RELATIVEMENT COMPLEXE ENFRANCE,DONT CERTAINS ÉLÉMENTS FONDAMENTAUX APPARAISSENT DEVOIR ÊTRE MAINTENUS
II.1. Le système français de supervision actuel relève du modèle « sectoriel » II.1.a - Description succincte du système français de supervision II.1.b Un système qui relève du modèle sectoriel II.2. Des fondamentaux à maintenir : assurer une forte proximité entre contrôle bancaire et Banque Centrale et maintenir une séparation entre contrôle prudentiel d’une part et supervision des marchés financiers d’autre part. II.2.a Supervision bancaire et Banque Centrale. II.2.b Contrôle prudentiel et supervision des marchés III. TROISIÈMEPARTIE:DE NOMBREUSES AMÉLIORATIONS PEUVENT ÊTRE APPORTÉES À LAUTORITÉS DE SUPERVISION SANS BOULEVERSEMENT MAJEUR DEORGANISATION DE NOS LARCHITECTURE DU SYSTÈME.
III.1. Introduire la convergence européenne dans les objectifs des autorités de supervision. III.2. Développer l’approche macro-prudentielle III.3. Renforcer le rôle des Collèges. III.4. Distinguer les Commissions de sanction des Collèges de supervision. III.4.a La problématique III.4.b Des réponses différentes données à lAMF dune part et à la CB et à lACAM dautre part. III.4.c. Les préalables à lever si on souhaite aller vers une dissociation Collège / Commission des sanctions pour la CB et lACAM. III.4.d. Recommandations complémentaires. III. 5. Rapprocher les autorités d’agrément et les autorités de contrôle. III. 6. Mieux associer les professionnels à la supervision. III.6.a. Au niveau des Collèges. III.6.b. Au sein des services. III.6.c. En développant la concertation avec lindustrie III.7. Concentrer le contrôle prudentiel des mutuelles du Code de la Mutualité.
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IV. QUATRIÈMEPARTIE:DES RÉFORMES PLUS FONDAMENTALES PERMETTANT DÉVOLUER VERS UN MODÈLE DE SUPERVISION PAR OBJECTIFS. IV.1. Rapprocher contrôle prudentiel des banques et contrôle prudentiel des assurances, mutuelles et institutions de prévoyance. IV.1.a. Deux métiers qui sont et resteront durablement distincts. IV.1.b. Un faisceau darguments en faveur du rapprochement. IV.1.c. Les risques dun rapprochement. IV.1.d. La pesée des différents arguments plaide pour le rapprochement IV.1.e. Les modalités proposées. IV.2. Le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle pour assurer la protection du consommateur de services financiers ou d’assurance. IV.2.a. Des règles hétérogènes dun secteur à lautre. IV.2.b. Des traditions et des cultures de supervision distinctes entre les différentes autorités de supervision. IV.2.c. Des liens évidents entre contrôle prudentiel et contrôle du respect des obligations professionnelles à légard de la clientèle. IV.2.d. Vers un modèle de supervision par objectifs ? IV.2.e. Les modalités proposées pour mettre en place une architecture de supervision par objectifs.
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CONCLUSION 85REMERCIEMENTS 87LISTE DES PROPOSITIONS 88GLOSSAIRE DES ABBREVIATIONS UTILISEES DANS LE PRESENT RAPPORT 92LETTRE DE MISSION 93 LISTE DES ANNEXES 96ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LA MISSION 97ANNEXE II : CLASSIFICATION DES SYSTÈMES DE SUPERVISION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES DE NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES 113ANNEXE III : COMPARAISON DES MOYENS EMPLOYÉS PAR LES SYSTÈMES NATIONAUX DE SUPERVISION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES EN ALLEMAGNE, ESPAGNE, FRANCE, PAYS-BAS ET ROYAUME-UNI 116ANNEXE IV : ORGANISATION DE LA SUPERVISION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES EN ALLEMAGNE, EN ESPAGNE, AUX ETATS-UNIS, AUX PAYS-BAS ET AU ROYAUME-UNI (TRAVAUX RÉALISÉS PAR LES MISSIONS ÉCONOMIQUES DANS LES PAYS CONCERNÉS) 128
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INTRODUCTION
Le Ministre de lEconomie, de lIndustrie et de lEmploi ma demandé, le 30 juillet 2008, de mener une mission de réflexion et de propositions « quant à lorganisation et au fonctionnement de la supervision des activités financières en France, avec comme objectifs lefficacité et la compétitivité de notre système de supervision et de contrôle, son insertion dans lorganisation européenne et son adéquation aux impératifs de stabilité financière ainsi quaux évolutions réglementaires et de marché ». Avant de développer dans le présent rapport les points qui permettront de répondre à cette commande, il est important de délimiter précisément le champ couvert et donc de rappeler celui qui ne lest pas. Les activités financières ont été entendues comme couvrant les activités bancaires, dassurance et la prestation de services dinvestissement. Il faut distinguer les règles qui sont édictées pour encadrer lexercice des activités financières dans notre pays (la « régulation ») dune part et le système de contrôle chargé de veiller à leur mise en uvre (la « supervision ») dautre part. Le présent rapport sintéresse à lorganisation et au fonctionnement de la supervision en France : comment les autorités de supervision sont-elles organisées ? Comment exercent-elles leur mission ? Y a-t-il lieu de modifier cette organisation ? Il ne porte pas sur la régulation elle-même : les règles imposées aux acteurs financiers sont-elles pertinentes ? Faut-il les modifier ? Ces dernières questions sont à lévidence très importantes aussi, mais elles nentraient pas dans le champ de la mission confiée par le Ministre. De même, le présent rapport ne porte pas sur le champ auquel doit ou devrait sappliquer la régulation : faut-il réguler les « hedge funds » ? les agences de notation ? Ces questions sont bien sûr essentielles, mais elles dépassent le cadre dun rapport relatif à lorganisation de la supervision. La mission a été lancée bien avant que la crise atteigne le paroxysme quelle a connu depuis (notamment dans les semaines qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers intervenue en septembre). Le contenu de la lettre de mission, les moyens mis en place pour y répondre et le délai imparti pour rendre les conclusions excluaient tout exercice daudit du fonctionnement des autorités de supervision. Un tel travail a dailleurs été réalisé récemment par la Cour des Comptes pour plusieurs des autorités concernées. Le présent rapport nest donc pas un rapport daudit ni même dévaluation du fonctionnement de notre système de supervision au regard de la crise récente notamment. Il sattache en revanche à mener une réflexion sur lorganisation et le fonctionnement de notre système de supervision, débouchant sur des propositions de modification de celles-ci sur certains points. Bien évidemment, les développements récents observés dans la crise systémique que nous traversons ont été intégrés dans cette réflexion. Les activités financières sont largement internationalisées. La crise récente a démontré de façon éclatante les risques systémiques que cela crée. Des conséquences doivent en être tirées en matière de supervision : faut-il un superviseur européen, voire mondial, au moins pour certains très grands groupes financiers ? Comment les superviseurs nationaux doivent-ils se coordonner afin de remplir au mieux leurs responsabilités face à de grands groupes multinationaux ? Ces questions préexistaient à la crise. De nombreux représentants du secteur financier rencontrés au cours de la mission ont fait part du caractère prioritaire à leurs yeux dune progression rapide dans ces domaines, notamment celui de la « supervision européenne ». La crise a suscité de nouvelles initiatives ou impulsions à cet égard. En témoignent par exemple, les importants travaux du conseil ECOFIN menés sous la présidence du Ministre tout au long du second semestre 2008, le lancement en octobre 2008 par le Président de la Commission Européenne dun groupe dexperts de haut niveau sur la supervision financière présidé par Jacques de Larosière, ou encore la déclaration des chefs dEtat du G20 lors du sommet de Washington le 15 novembre dernier.
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Le présent rapport porte sur lorganisation du système de supervision en France et ne traite donc pas dune éventuelle supervision européenne ou internationale. Il sintéresse en revanche à la façon dont notre système de supervision national peut sarticuler au mieux avec les dispositifs existant au niveau européen ou international. Il tente, dans les propositions quil fait, de prendre en compte la nécessité pour notre dispositif national de pouvoir sadapter à une intégration européenne accrue, qui paraît souhaitable et inéluctable, mais à un terme toutefois indéterminé à ce jour. Des entretiens bilatéraux ont été tenus avec de très nombreux acteurs du système : opérateurs financiers dans lensemble des secteurs dactivité concernés, associations professionnelles, autorités de supervision elles-mêmes, pouvoirs publics. Il est apparu également souhaitable de compléter ce tour dhorizon très large au plan national par une étude de lorganisation adoptée par nos principaux partenaires étrangers. Le réseau des missions économiques de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Economique (DGTPE) a été mobilisé pour répondre à un questionnaire relatif à lorganisation des systèmes de supervision dans les Etats membres de LUnion Européenne et du G7. Pour compléter ces études, des déplacements ont été organisés en outre dans les pays suivants : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Pays-Bas. La liste des personnes rencontrées au cours de la mission, ainsi que les études réalisées sous la responsabilité des missions économiques concernées dans les pays visités sont annexées au présent rapport. Ces déplacements à létranger ont permis de constater que de nombreux pays sinterrogent aujourdhui sur lorganisation de leur système de supervision financière. De nombreuses réformes ont été engagées au cours des 10 dernières années. La crise a toutefois interrogé certains modèles récents, jugés pourtant « dominants » il ny a guère plus dun an. Force est de constater que la modestie est de mise partout dans le contexte actuel. Dans tous les pays visités, la question dune adaptation éventuelle du système de supervision est posée et des textes sont parfois en cours de discussion devant les Parlements nationaux ou en préparation (Royaume-Uni, Allemagne). Il est très probable quune réforme du système de supervision financière figurera également parmi les priorités de la nouvelle administration américaine. Les grandes crises financières ont toujours entraîné des réformes assez profondes de la régulation et de la supervision financières. Lhabilitation donnée par le Parlement français au Gouvernement de procéder par ordonnances dans le domaine de la supervision avant la fin de lannée 2009 apparaît à cet égard particulièrement opportune. Le présent rapport sattachera tout dabord à rappeler les objectifs de la supervision financière et les principaux modèles dorganisation existant dans le monde (première partie), décrira ensuite le système existant en France et validera les orientations données dans la lettre de mission quant au choix de modèle (deuxième partie), proposera des améliorations pouvant être apportées à lorganisation de nos autorités de supervision dans le cadre de larchitecture actuelle (troisième partie), pour sinterroger enfin de façon plus fondamentale sur une évolution éventuelle du modèle lui-même et détailler les propositions correspondantes (quatrième partie). * * *
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I. Première Partie : Les objectifs de la supervision financière et les principaux modèles existants I.1. Les origines, le champ et les principaux objectifs de la supervision des activités financières Lecontrôle bancairevise essentiellement à garantir la sécurité des dépôts. Ceux-ci sont employés par les banques pour financer des actifs portés à leur bilan (prêts, créances, titres, participations). Une qualité insuffisante de ces actifs peut entraîner une perte de valeur qui porte atteinte à la solvabilité de la Banque et, in fine, à sa capacité à rembourser les dépôts qui lui ont été consentis. Les dépôts généralement « à vue », cest-à-dire exigibles immédiatement, sont employés pour financer des actifs qui ne sont pas tous liquides, cest-à-dire qui ne peuvent pas tous être cédés rapidement et à bon prix par la Banque si celle-ci doit faire face à un afflux de demandes de retrait des dépôts quelle a reçus. Cest le risque de liquidité. Les crises bancaires ont été nombreuses dans lhistoire et à travers le monde. Au fil des siècles, se sont développés dans les différents pays des règles visant à prévenir leur renouvellement. Des contraintes ont pesé sur le capital au regard du montant de dépôts accepté par la Banque, puis au regard de ses actifs. Les Banques Centrales, lorsquelles disposaient du monopole démission de la monnaie, ont joué un rôle de surveillance du système bancaire, dans le cadre du mécanisme central de refinancement quelles géraient et en tant que prêteur en dernier ressort. Enfin des mécanismes de garantie des dépôts, assortis, comme cest le cas aux Etats-Unis, de mécanismes de contrôle, ont été mis en place après la crise de 1929. Des mécanismes de contrôle externe ont existé au XIXème siècle dans la plupart des pays européens (notamment à partir de 1841 en Suède) et aux Etats-Unis. Mais ce sont la guerre de 1914-1918 et surtout la crise de 1929 qui ont été à lorigine daccroissements sensibles dans le niveau de contrôle public des activités bancaires opérés dans le courant des années 1930 (création du système de garantie des dépôts1aux Etats-Unis et renforcement de la régulation un peu partout en Europe). En France, la Banque de France, créée en 1800, agit comme prêteur en dernier ressort dès lorigine même si elle nobtient le monopole démission des billets quen 1848. A ce titre, bien quétablissement privé à cette époque, elle exerce un contrôle de fait sur les établissements bancaires quelle refinance. Malgré plusieurs initiatives, déclenchées par le livre « contre loligarchie financière en France » publié par le pseudonyme de Lysis en 1907, et plusieurs projets de loi entre les deux guerres, ce nest quen 1941 avec les lois relatives à la réglementation et à lorganisation de la profession bancaire et des professions qui sy rattachent et en 1945 avec la loi du 2 décembre et les textes subséquents relatifs à la nationalisation de la Banque de France et des grandes banques et à lorganisation du crédit, que sorganise réellement le contrôle public du secteur bancaire. Larégulation de lassuranceconnaît pour sa part des débuts très précoces en France avec lordonnance de Colbert en août 1681, relative à lassurance maritime. En 1898 naît le contrôle des lassurance des accidents du travail qui entraîne la création, en 1899, des commissaires-contrôleurs. Le contrôle sétend progressivement, en 1905 à lassurance-vie, puis aux autres formes dassurance, jusquà lunification, en 1938, du contrôle de lEtat sur les entreprises dassurance de toute nature2.
1Création de la « Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) » en 1933. L « office of the Comptroller of the Currency (OCC) » avait été créé en 1863 et le système de la Réserve fédérale en 1913. 2Décret-loi du 14 juin 1938 et son décret dapplication du 30 décembre 1938.
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Ainsi, lassurance est apparue très tôt comme demandant de façon évidente un contrôle externe : une compagnie dassurance peut en effet devenir techniquement insolvable bien avant de connaître déventuelles difficultés de paiement. La lecture des comptes annuels dune compagnie dassurance ne permet pas de se renseigner sur sa solvabilité : elle ne permet pas de savoir par exemple si les provisions techniques constituées au passif du bilan de la compagnie représentent de façon adéquate les engagements quelle a souscrits pour lavenir. Seul un contrôle externe spécialisé peut permettre de sen assurer. Sagissant desmarchés financiers, lhistorique est apparemment plus court, même si nombre des initiatives ayant touché le secteur bancaire au XIXème et au XXème siècles en France et à létranger visaient également la protection de lépargne (rôle joué par les Banques dans le placement de lépargne nationale dans des titres émis par des compagnies nationales ou étrangères). Cest à lissue de la crise de 1929 quest créée, en 1934, la « Securities and Exchange Commission (SEC) » aux Etats-Unis. En France, le Comité des bourses de valeurs est créé en 1942, la Commission des Opérations de Bourse (COB) en 1967, le Conseil des Marchés Financiers (CMF) en 1996 et le Conseil de Discipline de la Gestion Financière (CDGF) en 1998. Lorientation principale du contrôle est ici celle de la transparence de linformation financière produite par les entreprises qui émettent des titres de capital ou de dette placés dans le public. Sy ajoutent le contrôle de la bonne exécution des opérations sur instruments financiers effectuées pour le compte de la clientèle et le contrôle du bon fonctionnement et de « lintégrité » des marchés financiers eux-mêmes. I.2. Les principaux modèles existants En observant larchitecture de la supervision des activités financières dans les différents pays du monde, on constate rapidement que celle-ci est beaucoup plus souvent le fruit dévolutions successives marquées par les circonstances historiques locales que le produit de schémas conceptuels parfaitement rationnels. Léquilibre entre les différents acteurs en présence dépend souvent du rôle quils ont joué dans les crises passées, comme en témoigne lexemple de la Banque dAngleterre « punie » après laffaire Barings dans les années 1990. Il est aussi souvent le reflet des rapports de force entre plusieurs niveaux de pouvoir dans les Etats fédéraux, comme le montrent clairement les exemples américain ou allemand. De façon logique, il dépend avant tout de la réalité économique de chacun des marchés auxquels sapplique la supervision : si la relation entre les supervisions des fonds de pension dune part et des entreprises dassurances dautre part intéresse par exemple de nombreux pays européens, ce nest pas le cas en France, pour des raisons facilement compréhensibles. A ce jour, les efforts dharmonisation internationaux (accords de Bâle pour le secteur bancaire) ou européens (directives dans les secteurs de la Banque, des Assurances, des titres et services dinvestissement) ont porté sur la régulation mais très peu sur la supervision. Cest une difficulté aujourdhui : les acteurs sont nombreux à considérer quau-delà de lidentité des règles applicables dun pays à lautre, cest lhomogénéité de leur mise en uvre par le superviseur qui constitue un élément déterminant dune concurrence saine et loyale. Chaque pays européen demeure libre dorganiser pour lessentiel ses autorités de supervision comme il lentend. Au-delà de larchitecture elle-même, la façon de procéder à la supervision, le degré plus ou moins inquisitorial des contrôles sur place, lampleur et la fréquence des demandes dinformation au titre du contrôle permanent, le degré de tolérance à légard de la faillite éventuelle des acteurs, sont, dans la réalité, très hétérogènes dun pays à lautre. Le développement des collèges de superviseurs dans le cadre de la surveillance des groupes internationaux sur base consolidée sera un moyen dhomogénéiser progressivement lexercice de la supervision. Mais il sagit sûrement dune uvre de longue haleine.