La crise mondiale et celle, plus récente, dans la zone euro ont eu tendance à raccourcir l'horizon prévisionnel et décisionnel de nombreux agents économiques. Dans le même temps, les incertitudes (sur l'emploi, les retraites...) poussent plutôt à la remontée du taux d'épargne des ménages. Le problème de l'épargne dans la plupart des pays européens, y compris la France, est donc moins quantitatif que qualitatif. Il s'agit d'attirer une fraction accrue de l'épargne privée vers les investissements de long terme, afin de doper la croissance et l'emploi. L'orientation d'une épargne longue abondante vers des investissements rentables tant économiquement que socialement est, selon ce rapport, l'enjeu crucial des dix années à venir pour créer les emplois et l'activité. Pour les auteurs, la France, à l'instar des autres pays industrialisés, doit favoriser l'émergence d'investisseurs de long terme en capacité de porter le risque long. Le rapport fournit dix propositions pour y parvenir. Elles concernent la constitution et la mobilisation de l'épargne longue ainsi que la création de véhicules d'investissement long associant public et privé.
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Extrait
Investissements et investisseurs de long terme
Rapport Jérôme Glachant, Jean-Hervé Lorenzi, Alain Quinet et Philippe Trainar
Commentaires François Bourguignon Grégoire Chertok
Compléments Michel Aglietta, François-Xavier Albouy, André Autrand, Arnaud Caudoux, François-Xavier Chevalier, Philippe Danjou, Christian Fournet, Thierry Francq, Christian Gollier, Jean-Pierre Hellebuyck, Pierre Jaillet, Didier Janci, Christian Jimenez, Augustin Landier, Éric Lombard, Gérard de la Martinière, Mathieu Mucherie, Dominique Namur, Hubert Rodarie et Natacha Valla
Conception et réalisation graphique en PAO au Conseil dAnalyse Économique par Christine Carl
Introduction............................................................................................ 5 Christian de Boissieu
RAPPORT Investissements et investisseurs de long terme......................... 7 Jérôme Glachant, Jean-Hervé Lorenzi, Alain Quinet et Philippe Trainar
1. Les dérèglements de léquilibre épargne-investissement.................. 12 1.1. Épargne et investissement en France .......................................... 12 1.2. Le déséquilibre mondial de lépargne et de linvestissement ..... 19 1.3. Économie et finance des déséquilibres globaux ......................... 24
2. La rareté des investisseurs de long terme.......................................... 35 2.1. Spécificité et poids des investisseurs de long terme ................... 35 2.2. Les bénéfices potentiels de linvestissement de long terme ....... 42 2.3. Les conditions defficacité des investisseurs de long terme ....... 50
3. Mobiliser les capitaux longs au-delà de la sortie de crise................ 57 3.1. Investisseur de long terme et partage public-privé du risque ..... 58 3.2. Susciter une offre accrue de capitaux longs par le marché ........ 69
COMMENTAIRES
François Bourguignon.......................................................................... 87
COMPLÉMENTS A. Évolutions démographiques et allocation mondiale de lépargne.......................................................................................... 93 Michel Aglietta B. Les incertitudes de légalité épargne-investissement........... 103 Dominique Namur C. Profil et rôle des investisseurs de long terme........................ 125 Christian Gollier et Didier Janci D. Investisseurs de long terme : expliciter les objectifs, optimiser les incitations................................................................... 137 Augustin Landier E. Lintérêt de linvestissement de long terme : enjeux de politique monétaire et de stabilité financière............ 145 Pierre Jaillet F. Investisseurs de long terme : fournisseurs de liquidité........ 157 Natacha Valla G. Gestion dactifs et investissements de long terme................ 165 Christian Jimenez et François-Xavier Chevalier H. Veut-on faire de lépargne longue une espèce en voie de disparition ?.................................................................... 171 Éric Lombard et Mathieu Mucherie I. Les assureurs comme investisseurs de long terme............... 177 Gérard de la Martinière J. Les règles comptables internationales et leur impact sur lattitude des agents économiques face à linvestissement de long terme................................................... 187 Philippe Danjou K. Investisseurs de long terme : une disparition révélatrice.... 201 Hubert Rodarie L. Comment inciter les marchés à allonger lhorizon dinvestissement ?............................................................................ 213 Jean-Pierre Hellebuyck M. Investissement de long terme et régulation des marchés financiers.................................................................... 219 Thierry Francq N. Qui remboursera les investisseurs de long terme ?............. 225 François-Xavier Albouy
CONSEIL DANALYSE ÉCONOMIQUE
O. Le recours aux partenariats publics privés et lallocation des risques des projets publics : une révolution inachevée ?............................................................. 235 André Autrand
P. Spécificité des difficultés daccès des PME aux investisseurs de long terme.................................................... 245 Arnaud Caudoux et Christian Fournet
La crise mondiale et celle, plus récente, dans la zone euro ont eu ten-dance à raccourcir lhorizon prévisionnel et décisionnel de nombreux agents économiques. Dans le même temps, les incertitudes (sur lemploi, les re-traites) poussent plutôt à la remontée du taux dépargne des ménages. Le problème de lépargne dans la plupart des pays européens, y compris la France, est donc moins quantitatif que qualitatif. Il sagit dattirer une fraction accrue de lépargne privée vers les investissements de long terme, afin de doper la croissance et lemploi. Les banques vont continuer à transformer de lépargne liquide ou à court terme en emplois à moyen-long terme, mais elles le feront moins quavant la crise, ne serait-ce que du fait de la mise en place de nouveaux ratios de liquidité dans le monde (via la coordination dans le cadre du G20) et en Europe. Les nouvelles règles prudentielles applicables aux banques mais aussi aux compagnies dassurance (voir limpact de « Solvabilité II ») seronta priorimoins favorables aux placements longs des intermédiaires financiers. Dans ce contexte, il va falloir, pour les raisons déjà évoquées, assurer le financement dun niveau suffisant, en volume et en qualité, dinvestissements de long terme et identifier les principaux types dinvestisseurs concernés. Le rapport qui suit affine le diagnostic, léclaire à partir de compa-raisons dans le temps et dans lespace, et propose des recommandations concrètes pour contrecarrer des évolutions spontanées parfois défavo-rables, sans sous-estimer les contraintes fortes qui vont peser pendants plu -sieurs années sur les finances publiques. Parmi les propositions, on notera lintroduction de véhicules spéciaux dinvestissement à long terme, la mise en place dun système dassurance contre les risques systémiques ou des mesures stimulant loffre de capitaux longs par le marché, sans négliger limportance des règles prudentielles, fiscales, comptables Ce rapport a été présenté à Monsieur Jean-Paul Faugère, Directeur du Cabinet du Premier ministre, le 27 mai 2010.
Christian de Boissieu Président délégué du Conseil danalyse économique
INVESTISSEMENTS ET INVESTISSEURS DE LONG TERME
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Investissements et investisseurs de long terme
Jérôme Glachant Professeur à lUniversité dÉvry-Val dEssonne et Conseiller scientifique au CAE
Jean-Hervé Lorenzi Professeur à lUniversité Paris-Dauphine
Alain Quinet Inspecteur général des Finances, Caisse des dépôts
Philippe Trainar Chief Risk Officer, SCOR
Introduction Chacun le pressent, le monde sera très différent de ce quil fut depuis la seconde guerre mondiale. En raison de la montée en puissance des pays émergents, mais aussi parce que la gouvernance du monde, et des grands ensembles qui le constitueront, sera profondément bouleversée. La critique de la globalisation financière nest pas totalement justifiée ou plus exacte-ment son objet nest pas le bon. Tout, dans cette critique, est centré sur lidée de prises de risques financiers excessives. Nous pensons que le monde connaît une rupture profonde doffre et de demande de biens réels, qui se traduit par une thésaurisation généralisée. Le défi est bien de réorienter une épargne abondante vers des investissements de long terme, ce qui ne peut être assuré aujourdhui dans le cadre du fonctionnement du marché des fonds prêtables. Certes, il est très difficile, de déterminer ce que devrait être un équilibre optimal de linvestissement et de lépargne à léchelle mondiale, car lon ne peut que constater un équilibre comptableex post, mais nous devons évidemment considérer quaujourdhui les deux grandes zones économi-ques mondiales : celles des pays de lOCDE et celle des pays émergents,
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auront lune et lautre des besoins très importants de financement de leurs économies. Pour les premiers, il sagira de traverser cette période avec un chômage élevé et de financer les innovations tant dans les biens et services consommés que dans les équipements permettant de les produire, quon pourra appeler nouvelle croissance, croissance durable, croissance verte, en tous les cas, une croissance qui permette aux États-Unis et en Europe de se maintenir à un niveau de spécialisation technologique de premier plan. Pour les autres, les pays émergents, cest larrivée de centaines de millions de femmes et dhommes qui accéderont au statut de consommateur, ce qui nécessitera la construction dinfrastructures publiques et privées, de très grande ampleur. Or, les deux grandes zones ne sont pas du tout dans la même situation quant à la capacité de financer ces investissements. Certes, on peut imagi-ner que le marché des fonds prêtables est totalement globalisé, mais les études théoriques et empiriques montrent que tel nest pas parfaitement le cas. Il y aura donc bien compétition pour capter lépargne mondiale comme il y a compétition pour capter les ressources naturelles. Et surtout, aptitude ou non, à la canaliser vers des investissements de long terme. Les pays émergents eux, Chine en tête, ont des taux dépargne sans com-mune mesure avec ce que nous connaissons et sont politiquement et socio-logiquement aptes à utiliser ces flux dépargne pour leurs propres besoins. Tel nest pas notre cas, notamment parce que nous manquons cruellement dinvestisseurs de long terme privés tandis que les États sont très endettés. Serons-nous réduits à choisir entre épargne asiatique ou dette publique pour financer nos investissements longs ? En réalité, ce qui est en jeu et ce qui le sera encore plus dans les mois et années qui viennent, cest le rapport au temps. On en parle souvent, en évoquant le court-termisme, en soulignant le fait que tout, dans le compor-tement économique actuel, est fait pour privilégier linformation et la déci-sion instantanées ; tout est objet dévaluation de linstant, ou plus exacte-ment, une partie du monde financier est organisée de cette façon. On a ainsi le sentiment que le projet et donc linvestissement de long terme sont extrê-mement difficiles à mettre en uvre parce que nul nest apte à investir sur de longues périodes sans pouvoir tirer rapidement de bénéfices de cet in-vestissement. Mais, ceci nest évidemment pas une vérité absolue car lhis-toire se répète inlassablement. En fait, les pays émergents ont une capacité de mobilisation de lépargne et dutilisation de cette épargne pour des ob-jectifs de long terme tout à fait semblable à ce que furent les comporte-ments des pays occidentaux jusque dans les années quatre-vingt-dix. Or, deux des aspects majeurs de lévolution vraisemblable du XXIesiècle se renvoient lun à lautre : lallongement des périodes nécessaires à lin-novation et au développement de la technologie et la différenciation abso-lue entre zones économiques aptes à ce type de détour de production et ceux qui sen sont éloigné. Lobjet de ce rapport est donc ambitieux : mon-