Homère
Traduction
Charles-René-Marie Leconte de L'Isle
L’ODYSSÉE
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
Chants
1................................................................................................. 4
2. ..............................................................................................16
3. ............................................................................................. 28
4. 42
5. 66
6. ..............................................................................................79
7. ............................................................................................. 88
8. 98
9. ............................................................................................ 115
10. .......................................................................................... 131
11............................................................................................147
12.165
13. 177
15. 204
16. ......................................................................................... 220
17........................................................................................... 234
18. 253
19. 266
20. 283
21. ......................................................................................... 295 22. ......................................................................................... 307
23. 322
24. 333
À propos de cette édition électronique ................................ 348
– 3 – 1.
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après
qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troiè. Et il vit les cités de
peuples nombreux, et il connut leur esprit ; et, dans son coeur, il
endura beaucoup de maux, sur la mer, pour sa propre vie et le
retour de ses compagnons Mais il ne les sauva point, contre son
désir ; et ils périrent par leur impiété, les insensés ! ayant mangé
les boeufs de Hèlios Hypérionade. Et ce dernier leur ravit l'heure
du retour. Dis-moi une partie de ces choses, Déesse, fille de Zeus.
Tous ceux qui avaient évité la noire mort, échappés de la guerre et
de la mer, étaient rentrés dans leurs demeures ; mais Odysseus
restait seul, loin de son pays et de sa femme, et la vénérable
Nymphe Kalypsô, la très-noble déesse, le retenait dans ses grottes
creuses, le désirant pour mari. Et quand le temps vint, après le
déroulement des années, où les Dieux voulurent qu'il revît sa
demeure en Ithakè, même alors il devait subir des combats au
milieu des siens. Et tous les Dieux le prenaient en pitié, excepté
Poseidaôn, qui était toujours irrité contre le divin Odysseus,
jusqu'à ce qu'il fût rentré dans son pays.
Et Poseidaôn était allé chez les Aithiopiens qui habitent au
loin et sont partagés en deux peuples, dont l'un regarde du côté
de Hypériôn, au couchant, et l'autre au levant. Et le Dieu y était
allé pour une hécatombe de taureaux et d'agneaux. Et comme il se
réjouissait, assis à ce repas, les autres Dieux étaient réunis dans la
demeure royale de Zeus Olympien. Et le Père des hommes et des
Dieux commença de leur parler, se rappelant dans son coeur
l'irréprochable Aigisthos que l'illustre Orestès Agamemnonide
avait tué. Se souvenant de cela, il dit ces paroles aux Immortels :
– Ah ! combien les hommes accusent les Dieux ! Ils disent
que leurs maux viennent de nous, et, seuls, ils aggravent leur
destinée par leur démence. Maintenant, voici qu'Aigisthos, contre
le destin, a épousé la femme de l'Atréide et a tué ce dernier,
sachant quelle serait sa mort terrible ; car nous l'avions prévenu
par Herméias, le vigilant tueur d'Argos, de ne point tuer
– 4 – Agamemnôn et de ne point désirer sa femme, de peur que
l'Atréide Orestès se vengeât, ayant grandi et désirant revoir son
pays. Herméias parla ainsi, mais son conseil salutaire n'a point
persuadé l'esprit d'Aigisthos, et, maintenant, celui-ci a tout expié
d'un coup.
Et Athènè, la Déesse aux yeux clairs, lui répondit :
– Ô notre Père, Kronide, le plus haut des Rois ! celui-ci du
moins a été frappé d'une mort juste. Qu'il meure ainsi celui qui
agira de même ! Mais mon coeur est déchiré au souvenir du brave
Odysseus, le malheureux ! qui souffre depuis longtemps loin des
siens, dans une île, au milieu de la mer, et où en est le centre. Et,
dans cette île plantée d'arbres, habite une Déesse, la fille
dangereuse d'Atlas, lui qui connaît les profondeurs de la mer, et
qui porte les hautes colonnes dressées entre la terre et l'Ouranos.
Et sa fille retient ce malheureux qui se lamente et qu'elle flatte
toujours de molles et douces paroles, afin qu'il oublie Ithakè ;
mais il désire revoir la fumée de son pays et souhaite de mourir.
Et ton cœur n'est point touché, Olympien, par les sacrifices
qu'Odysseus accomplissait pour toi auprès des nefs Argiennes,
devant la grande Troiè. Zeus, pourquoi donc es-tu si irrité contre
lui ?
Et Zeus qui amasse les nuées, lui répondant, parla ainsi :
– Mon enfant, quelle parole s'est échappée d'entre tes dents ?
Comment pourrais-je oublier le divin Odysseus, qui, par
l'intelligence, est au-dessus de tous les hommes, et qui offrait le
plus de sacrifices aux Dieux qui vivent toujours et qui habitent le
large Ouranos ? Mais Poseidaôn qui entoure la terre est
constamment irrité à cause du Kyklôps qu'Odysseus a aveuglé,
Polyphèmos tel qu'un Dieu, le plus fort des Kyklôpes. La Nymphe
Thoôsa, fille de Phorkyn, maître de la mer sauvage, l'enfanta,
s'étant unie à Poseidaôn dans ses grottes creuses. C'est pour cela
que Poseidaôn qui secoue la terre, ne tuant point Odysseus, le
contraint d'errer loin de son pays. Mais nous, qui sommes ici,
– 5 – assurons son retour ; et Poseidaôn oubliera sa colère, car il ne
pourra rien, seul, contre tous les dieux immortels.
Et la Déesse Athènè aux yeux clairs lui répondit :
– Ô notre Père, Kronide, le plus haut des Rois ! s'il plaît aux
Dieux heureux que le sage Odysseus retourne en sa demeure,
envoyons le Messager Herméias, tueur d'Argos, dans l'île Ogygiè,
afin qu'il avertisse la Nymphe à la belle chevelure que nous avons
résolu le retour d'Odysseus à l'âme forte et patiente.
Et moi j'irai à Ithakè, et j'exciterai son fils et lui inspirerai la
force, ayant réuni l'agora des Akhaiens chevelus, de chasser tous
les Prétendants qui égorgent ses brebis nombreuses et ses boeufs
aux jambes torses et aux cornes recourbées. Et je l'enverrai à
Spartè et dans la sablonneuse Pylos, afin qu'il s'informe du retour
de son père bien-aimé, et qu'il soit très honoré parmi les
hommes.
Ayant ainsi parlé, elle attacha à ses pieds de belles sandales
ambroisiennes, dorées, qui la portaient sur la mer et sur
l'immense terre comme le souffle du vent. Et elle prit une forte
lance, armée d'un airain aigu, lourde, grande et solide, avec
laquelle elle dompte la foule des hommes héroïques contre qui,
fille d'un père puissant, elle est irritée. Et, s'étant élancée du faite
de l'Olympos, elle descendit au milieu du peuple d'Ithakè, dans le
vestibule d'Odysseus, au seuil de la cour, avec la lance d'airain en
main, et semblable à un étranger, au chef des Taphiens, à Mentès.
Et elle vit les prétendants insolents qui jouaient aux jetons
devant les portes, assis sur la peau des boeufs qu'ils avaient tués
eux-mêmes. Et des hérauts et des serviteurs s'empressaient
autour d'eux ; et les uns mêlaient l'eau et le vin dans les kratères ;
et les autres lavaient les tables avec les éponges poreuses ; et, les
ayant dressées, partageaient les viandes abondantes. Et, le
premier de tous, le divin Tèlémakhos vit Athènè. Et il était assis
parmi les prétendants, le coeur triste, voyant en esprit son brave
– 6 – père revenir soudain, chasser les prétendants hors de ses
demeures, ressaisir sa puissance et régir ses biens.
Or, songeant à cela, assis parmi eux, il vit Athènè : et il alla
dans le vestibule, indigné qu'un étranger restât longtemps debout
à la porte. Et il s'approcha, lui prit la main droite, reçut la lance
d'airain et dit ces paroles ailées :
– Salut, Étranger. Tu nous seras ami, et, après le repas, tu
nous diras ce qu'il te faut.
Ayant ainsi parlé, il le conduisit, et Pallas Athènè le suivit. Et
lorsqu'ils furent entrés dans la haute demeure, il appuya la lance
contre une longue colonne, dans un arsenal luisant où étaient
déjà rangées beaucoup d'autres lances d'Odysseus à l'âme ferme
et patiente. Et il fit asseoir Athènè, ayant mis un beau tapis bien
travaillé sur le thrône, et, sous ses pieds, un escabeau. Pour lui-
même il plaça auprès d'elle un siège sculpté, loin des prétendants,
afin que l'étranger ne souffert point du repas tumultueux, au
milieu de convives injurieux, et afin de l'interroger sur son père
absent. Et une servante versa, pour les ablutions, de l'eau dans un
bassin d'argent, d'une belle aiguière d'or ; et elle dressa auprès
d'eux une table luisante. Puis, une intendante vénérable apporta
du pain et couvrit la table de mets nombreux et réservés ; et un
découpeur servit les plats de viandes diverses et leur offrit des
coupes d'or ; et un héraut leur servait souvent du vin.
Et les prétendants insolents entrèrent. Ils s'assirent en ordre
sur des sièges et sur des thrônes : et des hérauts versaient de l'eau
sur leurs mains ; et les servantes entassaient le pain dans les
corbeilles, et les jeunes hommes emplissaient de vin les kratères.
Puis, les prétendants mirent la main sur les mets ; et, quand leur
faim et leur soif furent assouvies, ils désirèrent autre chose, la
danse et le chant, ornements des repas. Et un héraut mit une très
belle kithare aux mains de Phèmios, qui chantait là contre son
gré. Et il joua de la kithare et commença de bien chanter.
– 7 – Mais Tèlémakhos dit à Athènè aux yeux clairs, en penchant la
tête, afin que les autres ne pussent entendre :
– Cher Étranger, seras-tu irrité de mes paroles ? La kithare et
le chant p