D eux Mulets cheminaient ; l’un d'avoine chargé ; L’autre portant l’argent de la Gabelle. Celui-ci, glorieux d’une charge si belle, N’eût voulu pour beaucoup en être soulagé. Il marchait d’un pas relevé, Et faisait sonner sa sonnette ; Quand, l’ennemi se présentant, Comme il en voulait à l’argent, Sur le Mulet du fisc une troupe se jette, Le saisit au frein et l’arrête. Le Mulet en se défendant Se sent percer de coups : il gémit, il soupire. « Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m’avait promis ? Ce Mulet qui me suit du danger se retire ; Et moi j’y tombe, et je péris. — Ami, lui dit son camarade, Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut emploi : Si tu n’avais servi qu’un Meunier, comme moi, Tu ne serais pas si malade. »
Sources Phèdre : II, 7.
Variantes 11 : «en» omis (1668).
Les Deux Mulets
Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry | Georges Couton