D ans une ménagerie De volatiles remplie Vivoient le Cigne & l’Oiſon : Celuy-là deſtiné pour les regards du Maître, Celuy-cy pour ſon gouſt ; l’un qui ſe piquoit d’eſtre Commenſal du jardin, l’autre de la maiſon. Des foſſez du Chaſteau faiſant leurs galeries, Tantoſt on les eût vûs coſte à coſte nager. Tantoſt courir ſur l’onde, & tantoſt ſe plonger, Sans pouvoir ſatisfaire à leurs vaines envies. Un jour le Cuiſinier ayant trop bû d’un coup, Prit pour Oiſon le Cigne ; & le tenant au cou, Il alloit l’égorger, puis le mettre en potage. L’oiſeau preſt à mourir, ſe plaint en ſon ramage. LeCuiſinier fut fort ſurpris, Etvid bien qu’il s’eſtoit mépris. Quoy ? je mettrois, dit-il, un tel chanteur en ſoupe ? Non, non, ne plaiſe aux Dieux que jamais ma main coupe Lagorge à qui s’en ſert ſi bien.
Ainſi dans les dangers qui nous ſuivent en croupe, Ledoux parler ne nuit de rien.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton