2014 - Les enjeux Les enjeux Le clivage européen ou l’intranquillité politique N°2 Mai 2014 Luc Rouban Directeur de recherche CNRS www.cevipof.com Centre de recherches politiques www.cevipof.com 2014 - Les enjeux Le clivage européen ou l’intranquillité politiqueN°2 Mai 2014 Quels sont les facteurs qui jouent sur le sentiment pro-européen ? Luc Rouban Et ont-ils une couleur partisane ? L’attraction ou, au contraire, la Directeur de recherche CNRS répulsion qu’exerce l’Union européenne sont-elles liées à la réactivation de clivages de classes¹ que la crise de 2008 aurait réveillés, ou bien plutôt à la rémanence d’une fracture culturelle traversant les strates sociales² ? Pour répondre à ces questions, on utilisera ici l’exploitation secondaire de l’enquête post-électorale web du Cevipof menée en 2012 afin de disposer de points de repères politiques précis. Un indice d’européanisme a été construit à partir de cinq variables : se sentir autant Français qu’Européen, estimer que la France est plus forte économiquement parce qu’elle fait partie de la zone euro, avoir confiance dans l’Union européenne (UE), penser que la participation de la France à l’UE est une bonne chose, penser que, pour faire face aux difficultés à venir, il faut renforcer les pouvoirs de l’UE. Au total, on dispose donc d’un indice qui va de 0 à 5 et dont la moyenne est de 2,24 pour tout l’échantillon.
N°2 Mai 2014 Luc Rouban Directeur de recherche CNRS www.cevipof.com
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Le clivage européen ou lintranquillité politique N°2 Mai 2014 Quels sont les facteurs qui jouent sur le sentiment pro-européen?Luc Rouban Et ont-ils une couleur partisane? Lattraction ou, au contraire, la Directeur de recherche CNRS répulsion quexerce lUnion européenne sont-elles liées à la réactivation de clivages de classes¹ quela crise de 2008 aurait réveillés, ou bien plutôt à la rémanence dune fracture culturelletraversant les strates sociales²Pour répondre à ces questions, on utilisera ici lexploitation ? secondaire de lenquête post-électorale web du Cevipof menée en 2012 afin de disposer de points de repères politiques précis.
Unindice deuropéanisme a été construit à partir de cinq variables: se sentir autant Français quEuropéen, estimer que la France est plus forte économiquement parce quelle fait partie de la zone euro, avoir confiance dans lUnion européenne (UE), penser que la participation de la France à lUE est une bonne chose, penser que, pour faire face aux difficultés à venir, il faut renforcer les pouvoirs de lUE. Au total, on dispose donc dun indice qui va de 0 à 5 et dont la moyenne est de 2,24 pour tout léchantillon.
Lambiguïté des variables socioéconomiques lourdes
Une première analyse semble effectivement montrer que lattitude à légard de lUE est fortement contrastée dun bout à lautre de la hiérarchie socioprofessionnelle³. Une majorité de cadres sont fortement attachés à lEurope alors quune majorité douvriers et demployés lui sont hostiles. Si lon reprend notre indice deuropéanisme, on voit que les cadres du privé sont en moyenne à 3,22, les cadres du public à 3,02 et les gros indépendants (professions libérales et entrepreneurs) à 3,35 alors que les employés sont à 1,72 et les ouvriers à 1,56⁴. Mais lécart-type de ces moyennes est souvent important, ce qui signifie que les dispersions autour de ces moyennes sont fortes. Par exemple, lécart-type chez les ouvriers est de 1,53. Si lon dichotomise lindice deuropéanisme en deux groupes, on voit quil existe 28 % douvriers et 33 % demployés qui figurent parmi les pro-Européens. Par ailleurs, placer dans une même classe les cadres du public et les gros indépendants que sont les professions libérales et les patrons serait pour le moins spécieux, étant donné la divergence de leur positionnement politique.
¹(Emmanuel), TODDAux origines du malaise politique français: les classes sociales et leur représentation»,Le Débat, n°83, janvier-février 1995, pp.82-103. ²PERRINEAU (Pascal), Lenjeu européen, révélateur de la mutation des clivages politiques dans les années e 90», François dArcy et Luc Rouban (dir.),De la VRépublique à lEurope: hommage à Jean-Louis Quermonne, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, pp.45-59. ³Les professions intègrent les actifs comme les retraités de ces professions car la catégorie retraités» na aucun sens en elle-même. ⁴ Pourles ouvriers et les employés, on na pas discriminé entre secteur privé et secteur public car leur sociologie électorale montre quils partagent très largement les mêmes choix. Une vérification montre quil en est de même sur cet échantillon puisque les employés du privé sont à 1,62 et ceux du public à 1,86, cette légère différence étant elle-même liée à la possession plus fréquente de diplômes dans le secteur public.
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Tableau 1 - Indice deuropéanisme par profession
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Traitement : Luc Rouban Source: Enquête post-électorale web, Cevipof, 2012 La répartition des réponses semble appeler néanmoins une interprétation en termes de variables socioéconomiques lourdes. De fait, si lon constitue un indice de patrimoine pondéré allant de 1 à 4, on voit que les moins dotés en patrimoine sont à 1,96 sur léchelle deuropéanisme contre 2,84 pour les mieux dotés. De même, la répartition du revenu du foyer en quatre classes montre que lon passe de 1,71 sur léchelle deuropéanisme pour les plus modestes à 3,22 pour les plus fortunés. Contrairement à ce que lon peut observer pour le choix partisan, le niveau de revenu semble avoir plus de poids que le patrimoine, ce qui indique que lon se situe toujours dans une logique socioprofessionnelle plutôt que dans une logique daccumulation du capital économique. Cette2 hypothèse est confirmée par le fait que le niveau deuropéanisme change sensiblement avec le niveau détudes puisque lon passe de 1,69 sur lindice pour les titulaires dun CAP ou du BEPC à 3,02 pour les titulaires dun diplôme supérieur au niveau Bac+2 (Tableau 2).
Tableau 2 - Le niveau deuropéanisme par niveau détudes
Le problème tient, là encore, au fait que le niveau de diplôme ne correspond quimparfaitement à lactivité socioprofessionnelle puisquen dehors des professions libérales réglementées, une certaine dissociation peut intervenir dans les deux sens (un chef dentreprise peut navoir quun CAP, un titulaire dun master peut être employé). Un contrôle effectué sur les déclassements ou les surclassements sociaux (activité professionnelle inférieure ou supérieure à ce que le niveau détudes devrait permettre) ne montre aucun effet statistique du parcours individuel sur le degré deuropéanisme.
Le poids de lintranquillité
Il faut donc aller voir au-delà des groupes socioprofessionnels pour comprendre ce qui se joue derrière ce premier découpage. Pour ce faire, a dabord été créé un indice de vulnérabilité économique reposant sur les réponses aux questions suivantes: le fait davoir subi une dégradation de sa situation financière dans les douze derniers mois, ou de craindre de voir celle-ci se dégrader dans les douze prochains mois, de sen tirer difficilement ou très difficilement avec les revenus du ménage, de considérer que le pouvoir dachat est la première des préoccupations personnelles et davoir un risque sérieux de chômage pour soi ou un membre de sa famille. On dispose alors dun indice qui va donc de 0 à 5.
Cetindice est une variable subjective» dans le sens où elle est construite davantage sur un sentiment de fragilité et sur la peur ressentie dun déclin économique et social personnel plus que sur des données objectives (on sait ce quil en est en matière de pouvoir dachat). On peut faire lhypothèse que la question européenne étant clairement rapportée à la résolution de la crise économique depuis 2008, un lien doit exister entre la perception de cette fragilité et son choix en faveur dune Europe plus ou moins forte.
Defait, on voit que plus les enquêtés sont vulnérables sur le plan économique et moins 3 lattachement à lEurope est fort puisque lon passe dune moyenne de 2,87 pour les moins vulnérables à 1,48 pour les plus vulnérables. Statistiquement, les deux indices sont assez liés (Pearson de 0,272 avec une significativité de .000). Néanmoins, les écarts-types de lindice de vulnérabilité sont là encore très importants. Par ailleurs, lindice de vulnérabilité économique ne suit pas les catégories socioprofessionnelles. Si lon dichotomise cet indice, on voit quil existe 23 % des cadres du privé et 20 % des cadres du public qui figurent dans les plus vulnérables tout comme il existe, à linverse, 53 % des employés et 42 % des ouvriers qui figurent dans les moins vulnérables.
Derrièrele sentiment de la vulnérabilité économique, figure cependant un autre sentiment: celui de linsécurité, personnelle et sociale, une forme généralisée dintranquillité» recouvrant autant la défiance que lon a dans les autres que celle que lon exprime vis-à-vis des institutions ou de son environnement. Cette intranquillité peut être mise en lumière par la création dun indice regroupant les réponses suivantes: le fait de ne se sentir en sécurité nulle part, de ne pas avoir confiance en lÉtat pour résoudre les problèmes de la France et destimer que lon nest jamais assez prudent quand on a affaire aux autres». Cet indice va de 0 à 3 et la moyenne est de 2,24 pour lensemble de léchantillon. Cet indice discrimine fortement lindice deuropéanisme puisque lon passe 3,51 sur léchelle deuropéanisme pour ceux qui sont à 0 sur lindice dinsécurité à 1,19 pour ceux qui ont le sentiment dintranquillité le plus fort. Lassociation statistique entre cet indice et lindice deuropéanisme est forte (Pearson de -.448, négatif puisque les deux indices varient en sens inverse, avec une significativité de.000).
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Tableau 3 - Le niveau deuropéanisme selon le niveau dintranquillité
Traitement : Luc Rouban Source : Enquête post-électorale web, Cevipof, 2012 Les peurs liées à lEurope
Quellessont les peurs que nourrit lUE? Certaines peurs sont plus fortes que dautres en fonction du niveau dintranquillitéet on peut les classer selon leur amplitude entre les enquêtés les plus tranquilles et ceux qui sont le plus intranquilles. En tête figure laugmentation des immigrés, suivie par le risque que la France paie pour les autres», puis la perte de lidentité nationale, laugmentation du chômage, laffaiblissement du rôle de la France dans le monde et laffaiblissement de la protection sociale, cette dernière crainte étant la plus commune et variant le moins en fonction de lindice.
Tableau 4 - Les peurs liées à lEurope en fonction du degré dintranquillité (%)
Parmi ces différentes dimensions, quelle est celle qui explique le mieux en termes statistiques lévolution de lindice deuropéanisme?
Unarbre de classification permet didentifier la hiérarchie des facteurs jouant sur le degré deuropéanisme, que lon a recodé ici en trois catégories, les pro-européens, les mitigés et lesanti-européens pour davantage de clarté. On a intégré dans lanalyse le niveau détudes, le niveau de revenu, le patrimoine, la profession, la tranche dâge, lindice de vulnérabilité économique et lindice dintranquillité. Il apparaît que les attitudes à légard de lUE sont avant tout définies par ce dernier. Cest bien lintranquillitéqui génère une attitude hostile à lUE avant même le niveau détudes ou le niveau de vulnérabilité économique. On peut également voir sur le tableau 5 que certaines variables apparemment cruciales comme la profession ou le patrimoine ont disparu.
Derrièrelintranquillité figurent le niveau de diplôme et lindice de vulnérabilité économique. La combinaison des facteurs explicatifs nest pas homogène. Par exemple, le niveau de diplôme joue fortement pour les enquêtés qui se situent au niveau 3 de lintranquillité. Dans ce cas, la proportion moyenne de ceux qui sont hostiles à lUE, qui est de 69 %, passe à 60 % pour les titulaires dun diplôme de niveau Bac + 2 ou supérieur mais à 74 % pour ceux qui ont un diplôme ne dépassant pas le niveau baccalauréat. En revanche, pour ceux qui se situent au niveau le plus bas de lintranquillité, la variable arrivant en seconde position est le niveau de vulnérabilité économique. Alors que la proportion de personnes favorables à lUE est de 62 % dans ce groupe, elle passe à 46 % pour ceux qui sont les plus vulnérables ou assez vulnérables sur le plan économique mais à 74 % pour ceux qui sont les moins vulnérables.
Lathèse dun alignement des attitudes à légard de lUE sur des variables économiques lourdes 5 ne peut pas être retenue mais la thèse du poids décisif du capital culturel, lacculturation à lEurope jouant à travers le capital scolaire ou les pratiques professionnelles, paraît trop restrictive. Le sentiment dintranquillité commande au premier chef les réactions vis-à-vis de lUE mais sassocie soit à des variables culturelles soit à des variables économiques. On voit ainsi que le niveau de revenu apparaît dans larbre de classification pour discriminer encore plus les enquêtés les plus intranquilles et les moins dotés en capital scolaire. Dune certaine manière, lUE révèle une sociologie plus générale dépassant les cadres de la sociologie politique pour englober les diverses dimensions du statut social (environnement proche, voisinage, perspectives professionnelles, entre autres).
Parailleurs, le poids important du niveau détudes explique en cascade le fait que les pluspro-européens soient aussi les plus libéraux sur le plan culturel, quils habitent plutôt dans les grands centres urbains que dans les zones périurbaines et quils sintéressent davantage à la politique que les anti-européens.
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Tableau 5 - Classification des variablesouant sur le deré deuroéanisme
Lecture du tableau: la cellule supérieure indique les niveaux moyens deuropéanisme pour tout léchantillon: 40,7 % deurosceptiques (euro-), 29,2 % de mitigés (euro+-) et 30,1 % dEuropéens convaincus (euro+). La discrimination statistique la plus forte est due à lindice dintranquillité. Pour les plus intranquilles (niveau 3), la proportion deuro- est de 69 %. Parmi les plus intranquilles, ceux qui ont un diplôme qui ne dépasse pas le baccalauréat sont euro- à hauteur de 73,6 %. Enfin, parmi ces derniers, ceux qui ont un revenu modeste (petite classe moyenne et pauvres) sont euro- à hauteur de77 % alors que les euros+ ne sont que 0,7 %.
Lindépendance de leuropéanisme et du choix partisan
Ilreste enfin à souligner que lindice deuropéanisme ne varie pas en fonction de variables partisanes. Il nexiste aucune corrélation entre lattitude à légard de lUE et, par exemple, des indices permettant de mesurer lappartenance à la gauche ou à la droite (auto-positionnement sur léchelle gauche-droite, sentiment personnel dappartenance, appartenance partisane du père et de la mère).On voit en effet que lindice deuropéanisme passe de 2,19 pour ceux qui nont aucun critère dappartenance à la gauche à 2,42 pour ceux qui en ont 4 alors que cet indice passe de 2,03 pour ceux
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qui nont aucune appartenance à la droite à la 2,53 pour ceux qui en ont 4. Le test de Pearson confirme dailleurs lindépendance de leuropéanisme et ces deux indices (.054 avec lindice de gauche, .103 avec lindice de droite).
De même, si les attitudes pro-européennes sont évidemment corrélées avec le vote centriste ou Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2012 et les attitudes hostiles à lUE avec le vote FN,le choix partisan au second tour est indépendant du degré deuropéanisme. Cest ainsi que François Hollande recueille 44 % des voix (% dinscrits) chez ceux qui sont au degré 0 de leuropéanisme contre 49 % des voix de ceux qui sont au degré 5 deuropéanisme, alors que Nicolas Sarkozy en obtient 35 % au degré0 et 43 % au degré 5, cette situation sexpliquant par la diminution régulière de la proportion des blancs, nuls et abstention» passant de 21 % pour le degré 0 à 8 % pour le degré 5.
On remarque également que le rejet de lUE ne signifie pas une confiance accrue dans lÉtat pour régler les problèmes que connaît notre pays». Cest même tout le contraire puisque lespro-européens (à partir dune catégorisation de leuropéanisme en trois catégories) sont 78 % à faire confiance à lÉtat contre 39 % de ceux qui rejettent lEurope. LUE nest donc pas perçue dans la symétrie dun débat où la souveraineté de lÉtat devrait être accrue ou réduite. Cet argument relève davantage de la construction partisane que des représentations citoyennes.
La dissociation entre le débat partisan et la perception de lUE est relative. Les analyses de régression montrent que lindice dintranquillité conditionne autant le degré deuropéanisme que le vote au second tour de lélection présidentielle de 2012, bien avant la pratique religieuse. Si lon examine le vote au premier tour, on voit également que plus le niveau dintranquillité monte et plus augmente le vote en faveur de Marine Le Pen: 2 % pour ceux qui sont au niveau 0 dintranquillité contre 35 % pour ceux qui sont au niveau 3. Il en va de même pour le vote blanc, nul, abstention » (BNA)puisque lon 7 passe alors de 4 % à 14 %. Inversement, le vote en faveur de François Hollande chute vertigineusement entre ceux qui sont les plus tranquilles (48 %) et ceux qui sont les plus intranquilles (10 %).
Lattitudeà légard de lUE sinscrit donc dans un schéma qui nest ni purement économique ni purement culturel, mais plutôt dans une appréhension du statut social, acquis ou transmis, et dans le rapport au monde quil produit, et qui ne trouve pas dexpression partisane sauf dans la négation. Il existe donc bien une sociologie politique de leuropéanisme mais qui reste encore à mieux cerner car reposant sur de nombreuses dimensions sociales. Le poids de lintranquillité ouvre la porte à des explications plus centrées sur le potentiel que les individus se reconnaissent face à la crise et à travers leurs ressources personnelles. Mais on est alors renvoyé à des situations individuelles qui font sens sur le plan statistique mais qui ne renvoient pas nécessairement à des ordres collectifs conscients et maîtrisés.
Pour aller plus loin :
> PERRINEAU (Pascal), Lenjeu européen, révélateur de la mutation des clivages politiques e dans les années 90», François dArcy et Luc Rouban (dir.),République à lEuropeDe la V: hommage à Jea n - L o u i sQ u e r m o n n e1 9 9 6 ,p p.S c i e n c e sPo ,P r e s s e sd er i s ,, Pa4 5 - 5 9 .[ISBN 978-2-7246-0691-1]
> TODD (Emmanuel), Aux origines du malaise politique français: les classes sociales et leur représentation»,Le Débat, n°83, janvier-février 1995, pp.82-103. [ISSN 0246-2346]